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Proche en deuil : Comment rompre avec le silence ?

mercredi 16 juillet 2014, par Jean Luc Penet

A l’absence terrible laissée par la mort d’un proche, résonne souvent comme un nouvel abandon le silence gêné de l’entourage. Pourtant, il n’est pas simple d’envisager l’accompagnement d’un proche en deuil... Comment rompre avec l’absence de mots dans de telles circonstances ?

Connaissances, amis, conjoint, famille voire professionnels de santé, vous vous êtes peut-être déjà surpris à penser : « Tout ce que je peut dire n’est-il pas dérisoire ? Toutes tentatives de consolation ne sont-elles pas vaines ? ». Les saisons et les années passants, plus grande encore devient la tentation de fuite ou de déni : « A trop porter la douleur de l’autre, est-ce que ce n’est moi que je mine à la fin ? Pourquoi refaire l’histoire ? Ça ne le/la ramènera pas... ».

À la manière du « Tonglen », une méthode tibétaine d’éveil à la compassion consistant à « prendre sur soi » la souffrance de l’autre et à lui procurer paix et bonheur, l’accompagnement de la souffrance d’un proche endeuillé est un chemin long et difficile mais qui peut être éminemment bénéfique pour soi-même comme pour autrui. Voici en trois axes indispensables, des pistes recommandées par le psychiatre Christophe Fauré pour initier et maintenir le dialogue dans la durée, sans pudeur ni tabou mais avec patience et bienveillance.

1/ Interroger le souvenir du défunt

Quelle était la nature de la relation qui unissait le défunt et la personne endeuillée ? « Montre moi des photos de lui, de vous », « Qui était-il vraiment ? », « Qu’est-ce qui faisait de lui un être unique au monde, avec ses parts d’ombre et de lumière ? », « Quelle était la nature de votre relation, quant bien même était-elle imparfaite ? »… Autant de questions qui éveilleront invariablement tristesse, chagrin, culpabilité ou colère chez la personne endeuillée. Peut-être imaginez-vous qu’il n’est pas bon pour cette dernière de se remémorer le passé ?Pourtant, c’est en réservant un tel espace d’expression à votre interlocuteur que vous lui permettrez d’« user la charge émotionnelle » de la perte et de continuer la cicatrisation du deuil. Préserver le lien, le restaurer, tout en mettant progressivement à distance la souffrance, tel est l’objectif de ces questions que vous ne devez jamais craindre de formuler à nouveau six mois, un an, deux ans, cinq ans après le décès.

2/ Interroger les circonstances du décès

Contrairement à une idée reçue qui nous pousserait à croire qu’il ne faut pas refaire l’histoire, se remémorer les circonstances du décès peut aussi encourager le processus de deuil : « Le défunt est-il décédé brutalement (accident, mort subite, suicide) ou des suites d’une maladie évolutive ? », « Comment s’est déroulée l’éventuelle hospitalisation ? Quand, comment, par qui le corps a-t-il été découvert ? ». Donner du sens à la perte d’un être cher n’est possible qu’au terme d’un long travail. La colère et l’incompréhension sont le lot de toutes les pertes surtout si elles sont le fruit d’un absurde accident ou d’une négligence fatale. Là encore, c’est pourtant en ne craignant pas de revenir sur le récit des circonstances de la perte que la personne endeuillée pourra progressivement accepter la situation, consumer les émotions douloureuses qui l’envahissent, les apprivoiser, jusqu’à ce qu’elles s’estompent pour devenir supportables sans jamais complètement disparaître.

3/ Interroger le quotidien et le devenir de la personne endeuillée

Reste à poser la question qui en dit peut-être le plus sur l’avancement du travail de cicatrisation du deuil : « Et toi, comment vas-tu ? ». Cette question recouvre de multiples aspects sur les plans de la santé, des émotions, de l’intégration socio-professionnelle, du matériel et du spirituel. Troubles du sommeil ou de l’alimentation, accentuation ou émergence d’une maladie chronique, sentiment de culpabilité, de détresse mais aussi de soulagement sont autant de manifestations physiques et émotionnelles du deuil qu’il convient d’interroger de la même façon. L’isolement, le changement de statut social, le décrochage scolaire ou professionnel, les difficultés financières ou de logement peuvent également être des conséquences directes ou indirectes liées à la perte de l’être cher. Cette prise de recul est nécessaire pour situer l’évolution de la personne face au deuil. Enfin, sur le plan spirituel, les croyances peuvent être chamboulées, les certitudes détruites, la foi mise à mal ou au contraire, renforcée ou révélée. Ainsi, c’est tout le rapport à soi-même qui se trouve bouleversé avec le travail de deuil. Mais c’est également à terme, la possibilité de comprendre et d’accepter ce que cette perte a changé en nous, y compris de façon positive.

Autant de fois que nécessaire, mois après mois, années après années, le proche endeuillé doit pouvoir s’exprimer sans jamais avoir le sentiment de déranger. Et lorsqu’enfin, vous ne saurez plus quoi dire, qu’il n’y aura plus rien à dire, le silence partagé d’un moment de recueillement ou la tendresse d’une étreinte pourront être entendus et compris comme l’écho d’une sincère compassion.

Article paru dans la revue "Inexploré"

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