Pionnier des nouvelles approches de la santé depuis de nombreuses années, Deepak Chopra l’affirme : tout serait affaire de conscience !
Son père était un éminent cardiologue indien, conseiller médical du vice-roi Lord Mountbatten. Deepak Chopra était ainsi prédestiné à devenir médecin. Mais au service de quelle vision de la santé ? Après des études médicales à New-Delhi, il émigre aux Etats-Unis où il se spécialise en endocrinologie. C’est étrangement loin de son pays d’origine qu’il commence à s’intéresser à la méditation et à l’Ayurveda – un système millénaire de médecine indienne. Chopra devient alors un fier défenseur des médecines alternatives.
Actuellement auteur de best-sellers traduits en 35 langues, fondateur de l’Association Américaine de Médecine Ayurvédique, du Chopra centre for Well Being en Californie et d’une fondation pour la paix, il ne cesse de soutenir que notre conscience joue un rôle essentiel dans notre état de santé. Devenu proche de nombreuses personnalités il est également classé parmi les personnalités internationales les plus inspirantes du 20e siècle par le Time magazine.
- Comment un médecin devient-il un défenseur international des médecines alternatives ?
D.C. : Lorsque je faisais mes études en endocrinologie, j’ai eu l’intuition que la conscience influençait la biologie. Maintenant cette corrélation entre l’esprit et le corps est démontrée par la science. Nous savons par exemple que nos états d’être influencent l’expression de nos gènes. Nous avons découvert la neuro-plasticité. Mais à l’époque tout cela n’avait rien d’évident. Cependant, en tant que jeune médecin, je voyais bien que deux patients ayant la même maladie et recevant le même traitement, pouvaient évoluer de manière incroyablement différente. J’ai donc très vite compris que ne prendre en compte que le plan physiologique chez nos patients est une vision extrêmement limitée. D’autres facteurs, et principalement l’état de conscience de la personne, doivent être inclus dans le traitement.
- Que s’est-il passé alors ?
D.C. : Je travaillais beaucoup. Pour palier au stress, j’ai commencé à méditer et à m’intéresser à l’Ayurveda. Cela a ouvert tout un champ de recherche ! J’ai décidé de quitter Boston où j’avais complété mon cursus médical, pour fonder un centre de soin Californie. Tous nos traitements sont basés sur la compréhension du lien entre le corps et l’esprit et des effets des états de conscience non-ordinaires. Entre temps, je suis devenu professeur à l’école médicale de l’université de Californie et nos cours sont validés par l’Association Médicale Américaine. Un long chemin a donc été parcouru en terme de reconnaissance des approches alternatives de la santé.
- Vous avez donc été un pionnier de ces nouvelles approches qui ouvrent, en quelque sorte, un espace entre sciences modernes et sagesses orientales.
D.C. : Oui. Cependant, ce dont je me suis rendu compte, c’est que ni les philosophies orientales, ni la science actuelle n’ont accès à la réalité. Tous sont des systèmes de pensée. Nous pouvons utiliser les cartes que nous donnent la science, la philosophie, la spiritualité pour marcher sur le chemin. Et chacun sera attiré par des cartes différentes. Toutefois elles ne remplaceront jamais l’expérience directe. La réalité ne peut être abordée autrement que par la présence.
La réalité ne peut être abordée autrement que par la présence. C’est pour cela que plus j’avance, plus je me tourne vers les techniques des grands yogis. Dans notre centre en Californie nous offrons l’opportunité de faire de longues retraites qui favorisent une plongée dans l’expérience directe de ce qui est là. Et cette expérience peut nous emmener vers les portes du « sans-forme », de ce monde au delà de notre monde empirique, qui est la réalité ultime. Donc, à l’heure actuelle mon intérêt va bien au-delà de la relation entre le corps et l’esprit pour se pencher sur à la nature du cosmos : pourquoi notre univers existe-t-il ? Comment a-t-il pu surgir de « rien » ? Comment pouvons-nous savoir qu’il existe ?
- Vous avez souvent fait appel à la physique quantique, en quoi cette science nous aide-t-elle à répondre à ces questions ?
D.C. : La physique quantique est aussi une cartographie, mais effectivement elle est intéressante. Le problème que pose cette nouvelle science n’est pas celui de son formalisme mathématique, ni celui de son efficacité, qui sont très performants. Il n’y a qu’à regarder la place qu’a prit l’informatique dans notre économie pour comprendre combien nous ne pouvons nous passer de la physique quantique. Le problème, c’est que personne n’est réellement d’accord sur ce qu’elle implique au niveau de la nature profonde de la réalité. En effet, cette science nous pousse au delà du monde empirique que nous pouvons observer. Elle nous emmène vers un seuil où commence une autre dimension. Cependant, elle ne peut pas réellement nous accompagner plus loin car là, il n’y a rien à mesurer. Lorsque nous sommes dans le monde empirique, nous pouvons mesurer la masse et l’énergie d’une particule. Mais avant que la particule apparaisse, il n’y a que des possibilités qui n’existent pas réellement ! Il n’y a ni masse, ni énergie ! Il y a juste des ondes de probabilité dans un espace mathématique. Où est cet espace mathématique ? Quel est-il ?
- N’est-ce pas là que les sagesses anciennes viennent prendre le relai pour nous aiguiller ?
D.C. : En quelque sorte, oui, car cet espace « non local » – comme le nomment les scientifiques -, c’est la conscience. Et je suis loin d’être le seul à dire cela, tous les premiers physiciens quantiques l’ont pratiquement tous suggéré. Mais alors, c’est la conscience de qui, de quoi ? Y a-t-il une réalité non matérielle fondamentale ? Y-a-t-il un Dieu ? Cela soulève tellement de questions ! Ce qui est sûr c’est que tout ce que nous savons de la réalité, nous le savons parce que nous sommes des êtres conscients. Comment pouvons-nous savoir qu’il y a un univers si nous n’en avons pas conscience ? La conscience est forcément l’élément clé.
La conscience est forcément l’élément clé. Mais là où ça se complique c’est que d’une, nous ne savons pas comment le cerveau fait émerger la conscience, et de deux nous constatons que l’expérience humaine est très différente de celle d’un insecte avec une centaine d’yeux, d’une chauve souris aveugle, d’un dauphin ou d’une girafe. Alors quelle vision du monde est réelle ? C’est pour cela que j’affectionne particulièrement l’interprétation de Copenhague, qui est la première interprétation de la physique quantique, soutenue par Niels Bohr et Werner Heisenberg. Elle stipule que le rôle de l’observateur est primordial.
- Donc notre expérience du monde est relative et la nature de la réalité ne peut être abordée qu’en essayant d’aller au delà de nos perceptions empiriques ?
D.C. : Oui. Lorsque nous regardons la matière de plus près, que nous observons les particules subatomiques, nous découvrons qu’il n’y a… rien. Comment ce « rien » peut-il s’organiser pour finalement donner une expérience humaine mais aussi toutes les autres formes d’expériences ? Tous ces dilemmes sont trop rarement traités par la science. Nous sommes si convaincus par nos cartographies ! Nous pensons que c’est la réalité. La science est précieuse pour sa technologie, mais la technologie ne nous dit rien sur la nature de la réalité. Tout ce que nous savons sont des réponses à des questions que nous avons posées. Donc toutes nos réponses sont biaisées par l’angle depuis lequel nous mesurons le monde. Nous revenons toujours au même point : toutes nos théories sont des cartographies construites à partir d’un certain état de conscience. Si vous changez cet état, vous verrez autre chose. Qui est le « je » ou le « nous » qui fait l’expérience ? Quel est ce « rien » d’où tout émerge et qui semble être au-delà de tout ?
- Diriez-vous que vous êtes dans une nouvelle phase de recherche ?
D.C. : Oui. Après avoir longuement exploré la relation entre le corps et l’esprit, je m’intéresse à quelque chose de plus fondamental encore qui est : l’existence, et la conscience que nous avons de notre existence. Je travaille notamment avec des neurogénéticiens afin de repérer qu’elles pourraient être les zones du cerveau qui correspondent la conscience de soi, à l’intuition, la créativité, l’imagination, la conscience cosmique. Il y a peu de scientifiques qui s’intéressent à cela mais j’en ai trouvé, comme Rudolphe Tanzi, qui professeur de neurologie à Harvard. Nous avons d’ailleurs co-écrit deux livres ensemble « Le fabuleux pouvoir de notre cerveau » et « Super genes ». Et puis bien sûr je continue ma pratique personnelle de la méditation et du yoga.
- Vous arrivez à avoir une pratique régulière ?
D.C. : Contrairement à ce que les gens pensent j’ai un style de vie très simple. Quand je ne suis pas en tournée, je me couche vers 9h du soir et je me lève à 4h du matin pour méditer pendant 2 heures, ce qui est suivi d’une séance de yoga. Le reste de la journée, je fais ce que l’on me demande de faire et je passe beaucoup de temps avec ma famille.
- Que répondez-vous aux personnes qui vous qualifient de business-man de la santé ?
D.C. : J’écris des livres. Je donne des conférences. J’ai du succès. Je ne force personne à me lire ou à m’écouter. De plus j’ai créé une fondation qui est à l’origine de nombreuses actions humanitaires. J’ai par exemple aidé plus de 1,5 millions d’enfants à aller à l’école en Inde où ils peuvent bénéficier d’un vrai repas. J’essaie de faire avancer le monde.
Article publié dans la revue de l’INRESS de mai 2016